A Saint-Igeaux, au cœur de la Bretagne, Jean-Michel Gaude a construit une exploitation fidèle à ses convictions forgées, année après année, autour du concept inventé par Marcel Mézy. Respect de l’environnement, circuits courts, santé animale, prise en compte du réchauffement climatique, farouche volonté d’échanger et de transmettre, l’Association pour la Santé de la Terre et du Vivant, ne pouvait rêver meilleur ambassadeur.

« L’histoire n’en sera que plus belle. Ce n’est pas le tout de modifier toute son approche, toute sa stratégie, si c’est pour tout casser après», à 61 ans, Jean-Michel-Gaude a trouvé la sérénité qui sied aux gens qui vont au bout de leurs idées. Il y a quatre ans, son fils Jean-Marie, alors âgé de 26 ans, a rejoint l’exploitation familiale, à Saint-Igeaux dans les Côtes d’Armor. C’est lui qui a désormais la responsabilité des 4 400 mètres carrés de poulaillers et la gestion et la vente du compost normé et compatible avec l’agriculture biologique produit à partir des fientes de poulets. Jean-Marie s’est en plus associé avec un voisin sur 80 hectares avec 40 vaches allaitantes de race limousine.

Quant à Jean-Michel, il s’occupe des 57 hectares de cultures (pois de conserve, blé, orge, maïs mais aussi 9 ha de miscanthus, plante pérenne utilisée pour le paillage, les biomatériaux et les biocarburants), ainsi que de la production d’herbe dans les fonds de vallée qui bordent le plan d’eau familial, pour les limousines de Jean-Marie.

Plus de vingt ans déjà que Jean-Michel Gaude a entendu pour la première fois Marcel Mézy, lors d’une réunion à Loudéac. Depuis ce jour-là, un concept ne l’a plus quitté : l’autonomie.  Et depuis plus de quinze ans maintenant, il utilise les technologies du paysan-chercheur aveyronnais : « Cet homme n’a pas changé de ligne de conduite, et il sera sur la même philosophie jusqu’à son dernier souffle. Il n’y a pas beaucoup de gens comme cela. Son humanisme est tout simplement incroyable ».

Dans ce coin de Haute-Cornouaille bretonne, on ne peut qu’être sensible à l’environnement et aujourd’hui, Jean-Michel et sa femme Michèle, sont fiers de montrer et d’expliquer aux clients de leurs gîtes, leur façon de travailler : « Quand on vit au bord de l’eau, à la confluence de deux rivières, on se sent forcément plus concernés par tout ce qui touche à la nature. Notre fils, Jean-Marie, a été le témoin de notre évolution car au départ nos productions n’étaient pas totalement vertueuses… ».

Une harmonie construite au fil des années

La sortie de l’agriculture conventionnelle, l’ensemencement des litières et leur compostage par un complexe de micro-organismes, la mise en place du non-labour, l’ouverture au tourisme, autant de paliers initiatiques franchis pour accéder à une harmonie qu’il touche enfin du doigt. Jean-Michel a retrouvé au fil des ans sa fierté de paysan, lui qui s’est fixé pour objectif d’avoir une exploitation équilibrée financièrement autour d’un tiers d’élevage, un tiers de cultures et un tiers d’énergie avec le photovoltaïque. Toujours cette recherche d’autonomie et d’équilibre synonymes d’indépendance et de libre-arbitre.

Ici, tout est réfléchi en termes de santé animale, de qualité des productions, de circuits courts, d’économie d’énergie et de rationalisation du travail. La conduite de l’élevage de poulets a évolué avec la recherche d’un confort permanent des animaux par un paillage tous les deux jours, des lumières naturelles avec des fenêtres sur les poulaillers, des éclairages LED qui consomment très peu d’électricité et au final, des volailles élevées avec pratiquement zéro antibiotique. Les litières naturelles finissent en 600 tonnes de compost normé qui sont commercialisées et retournent à la terre dans un rayon de cinq kilomètres autour de l’exploitation. Et au bout de la chaîne, les poulets partent pour un abattoir situé à moins d’une demi-heure par la route.

En plus, avec une diminution significative de 80% de l’ammoniac dans les bâtiments et un meilleur stockage du carbone dans les sols, la limitation des gaz à effet de serre est significative sur l’exploitation de Saint-Igeaux.

Bientôt un jardin d’hiver verra le jour pour la volaille et avec les haies plantées il y a 25 ans, c’est plus de 30% de propane qui sont économisés chaque année avec des bâtiments protégés du froid et du vent. C’est en fait tout un cercle vertueux qui a été mis en place année après année par Jean-Michel et son fils Jean-Marie.

Pour Jean-Michel Gaude, l’évolution de ces dernières années marque un vrai virage du monde agricole. Le pouvoir politique a pris conscience de l’importance de produire de la qualité et maintenant, ce sont les régions et non plus les Chambres d’Agriculture qui sont les maîtres d’œuvre de cette évolution: «Le bouleversement va se faire maintenant, l’évolution est positive. Le monde agricole est en train de prendre conscience que le chimique est arrivé au bout du bout, que la course au volume, c’est fini. Mais il ne faut pas être dogmatique. Ce n’est pas parce qu’on est passé au sans labour qu’il faut se l’interdire définitivement. Le système dans lequel nous nous sommes engagés, a permis de déplacer le curseur du conventionnel vers le Bio. Il y a moins  de dix ans, nous cherchions à valider notre système de compostage avec l’Itavi, l’Institut Technique de l’Aviculture, et aujourd’hui nous distribuons des flyers « Compost à la ferme » réalisés par ma fille graphiste, pour commercialiser nos amendements organiques. Que de chemin parcouru…! ».

Il y a plus de vingt ans, quand il était encore en conventionnel, Jean-Michel Gaude avait été traumatisé par les teneurs en nitrates de son étang et les algues vertes qui s’y développaient. En cette période d’ouverture de la pêche, il se réjouit des changements radicaux observés : « C’est une énorme satisfaction de discuter aujourd’hui avec un pêcheur qui vous parle des goujons, des vairons qui sont revenus et des belles truites fario qu’on peut à nouveau traquer sur des rivières comme le Sulon. Les poules d’eau sont de retour, la flore redevient ce qu’elle était quand nous étions enfants, tout cela est bon signe ».

« Il faut que le consommateur soit associé à toutes ces évolutions »

Si l’agriculture amorce sa mutation, le consommateur y est pour beaucoup, Jean-Michel Gaude en est persuadé : « Il y a dix ans, le consommateur émettait des demandes, aujourd’hui il a des exigences. Et nous n’en sommes qu’au début. Et dans ce domaine, l’agriculture a un rôle essentiel à jouer. C’est ce qu’ont commencé à comprendre, il y a dix ou quinze ans, les Amap, même si elles ont peut-être eu raison trop tôt par rapport au contexte. Le Bio n’est pas une fin en soi, mais il faut que nous ayons une histoire à raconter avec les produits que nous vendons. Le consommateur veut savoir, veut comprendre, veut être acteur. Il faut que le monde agricole, que la communauté scientifique et que la masse des consommateurs se retrouvent autour d’un cahier des charges qui sera reconnu par tous. Tout cela est dans l’air du temps. Nous arrivons juste au point de passage entre deux mondes et désormais, il faut que le consommateur soit associé à toutes ces évolutions ».

C’est tout naturellement que Jean-Michel Gaude est devenu il y a plus de deux ans, l’indispensable point d’ancrage pour la Bretagne de l’Association pour la Santé de la Terre et du Vivant : « La transmission est essentielle et c’est une tâche que je considère comme noble. C’est réconfortant de voir aujourd’hui qu’au niveau du procédé inventé par Marcel Mézy, une nouvelle génération prend le relais et continue dans cette voie ». Pour lui, l’association a un rôle essentiel à jouer dans l’avenir, mais c’est à ses membres de la faire vivre : « C’est une passerelle entre producteurs et consommateurs. Ce doit être un lieu d’échanges à l’opposé de ce qui a trop longtemps existé, à savoir une confrontation entre deux mondes. Il faut que nous construisions un projet d’avenir avec le monde scientifique, avec les consommateurs, avec la société civile. Plus nous serons nombreux, plus nous irons loin, plus la réflexion sera aboutie ».

Jean-Michel Gaude en est persuadé, les vingt-cinq prochaines années seront rythmées par cette question essentielle du réchauffement climatique et l’agriculture aura un rôle de premier ordre à jouer dans cette problématique.

Avec les agriculteurs qui partagent la même philosophie que la sienne, il se sent conforté dans sa démarche : «  Par le biais de l’Association Pour la Santé de la Terre et du Vivant, c’est à nous maintenant de nous organiser pour obtenir de vraies mesures de notre empreinte carbone, de réfléchir aux façons de valoriser notre démarche par une labellisation ou un cahier des charges reconnu par tous. A nous aussi de trouver les façons de différencier les produits issus de nos exploitations de l’ensemble des produits du marché ».

Pour Jean-Michel, « Marcel Mézy et la Sobac font partie des belles rencontres de ma carrière. Il y en a eu deux ou trois qui ont été déterminantes dans ma vie. On dit que la performance est égale à la compétence multipliée par la motivation. Marcel Mézy m’a apporté cette petite flamme, ce supplément d’âme qui m’a donné envie d’aller plus loin dans ma démarche. La création d’un laboratoire de haut niveau au sein de son entreprise était d’ailleurs un passage obligé car l’esprit a besoin de se conforter dans l’expertise ».

Tout respire l’harmonie dans ce coin de Bretagne et, à Ti tad koz, la maison du grand-père en breton, Jean-Michel et sa famille vont continuer sur cette voie bâtie autour du partage et de la transmission des valeurs : « Nous avons rénové les gîtes dans la pure tradition bretonne et c’est à chaque fois une grande fierté d’accueillir les clients et de pouvoir leur expliquer que nous produisons en respectant l’environnement mais aussi les animaux, avec le souci constant de préserver la santé des consommateurs. Il faut rester humble et avoir toujours présente à l’esprit cette notion de partage qui est essentielle ».

Avec Jean-Marie pour reprendre le flambeau, la relève est assurée. La preuve, il y a quelques mois il a convaincu deux gros exploitants agricoles de la région de rejoindre la grande famille des utilisateurs des technologies Marcel Mézy…

L’association Pour la Santé de la Terre et du Vivant ne pouvait rêver trouver meilleur ambassadeur pour la Bretagne. Le 4 juin prochain, une grande réunion se tiendra d’ailleurs à Saint-Caradec, dans les Côtes d’Armor en présence d’agriculteurs, d’élus bretons, de scientifiques et de consommateurs et, comme le souligne Jean-Michel Gaude, « avec le laboratoire voulu et créé par Marcel Mézy, toutes les expertises scientifiques qui arrivent maintenant nous donnent du grain à moudre ». 

Patrick Le Roux

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