La viande d’origine animale ne se limite pas à la consommation carnivore. Elle englobe tout un écosystème à la fois économique, socio-culturel, patrimonial et écologique. En effet, les élevages extensifs dont est issue la viande française apportent de nombreux avantages, reconnus par l’INRAE.

Sur le plan écologique

L’un des arguments principaux contre l’élevage des ruminants est son impact environnemental. Certaines études tentent de montrer que la « viande in vitro » serait moins consommatrice d’eau, produirait moins de gaz à effet de serre (GES) et utiliserait moins de surface. En ce qui concerne l’utilisation d’eau et les GES, les comparaisons utilisées sont biaisées et partielles donc très discutables. Pour les GES, il est admis que le bétail est émetteur de méthane qui possède une demi-vie dans l’atmosphère très courte (10 ans) donc un impact plutôt à court terme. De plus, les prairies permanentes entretenues par les ruminants permettent la séquestration du carbone dans le sol. Elles sont capables de stocker jusqu’à 70 tonnes de carbone par hectare. Elles sont donc un formidable atout dans la régulation du réchauffement climatique à condition d’être maintenues grâce à l’élevage extensif d’herbivores et la limitation du labour (Gac et al., 2010; Chenu et al., 2014). A l’inverse, la production de cellule de synthèse entraine majoritairement une pollution au dioxyde de carbone, un GES qui a une demi-vie de 100 ans dans l’atmosphère, impliquant un réchauffement sur le long terme (Chriki & Hocquette, 2020).

Quant à la qualité de l’eau, elle peut être moins bonne autour des usines de viande cellulaire, si l’on considère les activités de l’industrie chimique pour la production des facteurs de croissance et des hormones nécessaires à la culture cellulaire. En effet, des déchets et des déversements de produits chimiques pourraient se retrouver dans l’eau rejetée dans l’environnement par les incubateurs à viande (Chriki & Hocquette, 2020). De plus, le bétail, lorsqu’il reçoit des antibiotiques et des hormones, utilise des processus physiologiques pour éliminer les résidus avec l’aide du foie et des reins, mais dans la « viande » de culture, lorsque des antibiotiques sont ajoutés, l’élimination des résidus nécessite plutôt un mécanisme artificiel (Iyer & Iyer, 2020).

Par ailleurs, l’élevage traditionnel européen en prairie contribue à entretenir les paysages. C’est l’une des raisons pour laquelle il est nécessaire de conserver des animaux en pâture. Ces derniers valorisant des terres non cultivables, mais rendant aussi de nombreux services écosystémiques tels que la protection contre les incendies, le maintien d’une flore prairiale pour les pollinisateurs… (Amiaud & Carrère, 2012; Carrère et al., 2020).

Enfin, les déjections des ruminants enrichissent les sols en matière organique, source d’alimentation pour la faune du sol (vers, insectes, micro-organismes). Cette faune du sol joue un rôle majeur dans la structuration des sols pour faciliter notamment le drainage naturel des eaux de pluies. La technologie actuelle de produits élaborés à base de « viande » de synthèse n’étant pas développée à l’échelle industrielle, il est difficile d’avoir une évaluation objective de son impact sur l’environnement : émissions de CO₂/ CH₄, empreinte eau, terres arables, déchets liés aux milieux de culture, à la production et les risques associés.

Sur le plan énergétique

Cette biotechnologie ne peut que nécessiter de l’énergie, de préférence décarbonée (chauffage des réacteurs…) pour obtenir la reproduction cellulaire à partir de diverses substances (intrants nutritifs, hormones de croissance…). Cette technique produira nécessairement des effluents à retraiter, avant d’être rejetés dans l’environnement. Tous ces aspects, comme le bilan carbone, sont très peu évoqués dans les communiqués enthousiastes sur la « viande de synthèse » (La viande in vitro, une voie exploratoire controversée | INRAE), d’autant plus qu’ils seront difficilement quantifiables tant qu’aucune production industrielle ne sera mise en place.

Sur le plan économique

Une très grande partie de l’élevage français répond clairement aux critères de l’agriculture durable puisqu’elle constitue une filière économique vitale pour de nombreux territoires (Agreste, la statistique agricole, 2022).
Avec une production de 68,1 milliards d’euros, la France reste le premier producteur agricole de l’U.E (Agreste, la statistique agricole, 2021) même si elle a diminué sensiblement ces dernières années (passant de 9,1 % en 1980 à 2,9 % en 2020). En Europe, l’agriculture représente 4,4 % de l’emploi total et ces emplois sont concentrés en zone rurale. En 2016, 39 % des exploitations en France étaient consacrées à l’élevage (172 000). Ainsi, le développement de la « viande in vitro » risque d’accélérer l’effondrement des populations rurales. En outre, la reconversion des emplois agricoles vers les laboratoires de productions in vitro est inenvisageable, les compétences et le niveau de qualification étant très différents (Bryant, 2020).

Sur le plan le nutritionnel

Il a été démontré que la consommation de viande issue d’animaux bénéficiant d’une alimentation basée sur l’herbe saine participe au bon équilibre alimentaire à tous les âges de la vie (ex : meilleur rapport acides gras essentiels oméga 6/3 qu’avec l’alimentation de type industriel) (Duru et al, INRA 2015). La viande est un aliment qui permet la couverture des apports en fer facilement absorbable (fer héminique), et en vitamine B12 (exclusivement présente dans les produits animaux) (Duru et al., 2017a) et bien d’autres macro et micro composés formant la matrice de la viande naturelle. À ce jour, il est assez difficile d’appréhender les réelles qualités nutritionnelles et sensorielles de la « viande in vitro ». Des études scientifiques et recherches sont nécessaires avant que sa composition puisse ressembler à de la viande traditionnelle (Fraeye, I et al. 2020).

Sur le plan éthique

Le bien-être animal est incontestablement un enjeu de société important de nos jours, partagé par tous. L’élevage des animaux doit répondre aux 5 libertés fondamentales. L’animal ne doit pas souffrir de faim, de soif, d’inconfort, de blessures, de maladies et doit pouvoir exprimer les comportements naturels propres à l’espèce et ne pas éprouver de peur ou de détresse. L’élevage durable est un bon moyen de respecter l’animal (Chriki et al., 2022).

Sur le plan touristique, patrimonial et culturel

L’élevage traditionnel façonne une grande variété de paysages et les activités de tourisme et récréatives induites constituent des retours économiques importants comme on peut le voir avec l’essor du tourisme à la ferme et des fêtes populaires telles que la Transhumance sur l’Aubrac, par exemple.

Dans de nombreux territoires, l’agriculture assure un rôle essentiel pour le maintien du tissu social en milieu rural. Il est associé au patrimoine culturel et naturel et son rôle dans la préservation des milieux a été souligné (Ryschawy et al., 2015; Beudou, Martin & Ryschawy, 2017; Duru et al., 2017b).

Au-delà de l’attachement des Français aux traditions alimentaires, il suffit de regarder les publicités des grandes marques industrielles qui n’hésitent pas à montrer des volailles « gambadant » dans de grands espaces naturels pour valoriser leurs produits. Le consommateur veut avoir la garantie du mode de production respectueux de l’environnement, du bien-être animal et d’animaux nourris grâce à une alimentation saine et durable.

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