Xavier Aigoui est depuis trente ans un adepte des Technologies Marcel Mézy. Un pionnier qui a construit son indépendance au fil des ans et qui croit au rôle que sera amenéE à jouer dans l’avenir, l’Association pour la Santé de la Terre et du Vivant.
Au lieu-dit Les Sermeillets, sur la commune de Séverac-le-Château en Aveyron, Marguerite, la maman, habite toujours la ferme fortifiée du XVème siècle, bâtisse d’une grande élégance où six générations se sont succédées. Aujourd’hui c’est son fils, Xavier Aigoui, qui a repris en main l’exploitation, installé depuis 1988 sur les 344 hectares qu’il a convertis en Bio en 1990. Dans la région, il fut d’ailleurs un des tous premiers à faire de l’agriculture Bio à grande échelle. Homme de conviction, il a toujours eu l’autonomie pour unique philosophie. Même s’il avoue « être plus sage et moins revendicatif » qu’il y a quelques années, il n’a jamais dérogé à sa ligne de conduite.
Trente ans déjà qu’il a découvert les technologies Marcel Mézy par le biais de Patrick Fabre, copain d’enfance, associé avec le paysan-chercheur aveyronnais et qui participera à la création de la Sobac.
Un historique du Bio en Aveyron
A l’heure où certains commémorent les cinquante ans de mai 68, Xavier Aigoui pourrait, lui, fêter les trente ans de sa révolution, puisque c’est en 1988 qu’il décida de tourner le dos à l’agriculture conventionnelle : « Je n’ai jamais été un révolutionnaire. Je n’ai jamais cherché à imposer mes idées aux autres de manière revendicative. J’ai simplement toujours couru après mon indépendance. Les structures agricoles me donnent de l’urticaire et j’ai toujours veillé à en rester en marge. J’étais prêt à tout pour conquérir cette indépendance et je pense y être parvenu. Je n’ai jamais supporté qu’on me dise ce que j’avais à faire chez moi. On a assez de contraintes dans la vie sans s’en créer d’autres et je n’ai jamais imaginé que ce soit un technicien qui me dicte la marche à suivre. Même chose pour l’écologie. Je ne mets pas dans le même panier les Bio éthiques et les « Bio subventions ». Les primes à la conversion Bio, en ont empêché pas mal de se poser les bonnes questions au bon moment. Avec les primes, les gens ne se remettent plus en question. Quand ils ouvrent leur ordinateur, c’est la première chose qu’ils regardent.
Je suis aussi contre l’écologie politique. On ne peut pas être anti tout. Les ayatollahs de l’écologie, ça m’exaspère. Il n’y a que Cohn Bendit qui a évolué ».
L’ancien troisième ligne centre de Millau a toujours cherché à être en adéquation avec les idées qu’il défend avec conviction. Dès le début des années 90, il a quitté le système Roquefort pour très vite monter une petite laiterie afin de transformer le lait de brebis en yaourt et faisselle. Les vastes espaces des Grands Causses ne suffisaient pas. Il voulait construire sa liberté de ses larges mains calleuses. Ils étaient en fait quatre éleveurs ovins associés au départ, tous adeptes des technologies Marcel Mézy, avec une même idée en tête, tout contrôler de la production à la commercialisation. Une des grandes fiertés de Xavier Aigoui : « En 22 ans nous sommes passés de 100 000 litres de lait à 8 millions et demi. Nous sommes toujours quatre associés mais avec maintenant 52 producteurs sur la Lozère et l’Aveyron et la laiterie, qui se trouve à Campagnac, au bord de l’autoroute A75, emploie vingt salariés ».
La force de tout reprendre à zéro
Tout semble aller pour le mieux pour Xavier Aigoui qui n’est pas homme à étaler publiquement ses souffrances. Lorsqu’il s’approche du nouveau bâtiment qui est sur le point d’être terminé, on sent pourtant le poids du drame qu’il a vécu ici, voici quasiment un an jour pour jour : « C’est l’emplacement des bergeries qu’un incendie a entièrement détruites le 17 mai 2017. En moins d’une demi-heure, 320 brebis ont péri, un chien également. Ça a été terrible ». Seul réconfort, l’exemplaire solidarité qui s’est mise en place pour que le reste du troupeau soit dispersé pour la traite dans cinq élevages des environs. Depuis, Xavier a racheté de jeunes agnelles pour refaire un nouveau troupeau. Il lui tarde d’être en 2019 et de connaître les premières traites, lui qui avant l’incendie, avait plus de 850 brebis Lacaune : « J’aurai 56 ans quand l’activité va reprendre à plein avec mon nouveau troupeau. Trois ans de perdu pour remonter quelque chose qui me corresponde. Voir son outil de travail partir en fumée en vingt minutes, ça use de l’intérieur, ça fatigue en profondeur ».
Ils sont maintenant près de 12 000 à avoir adopter les technologies Marcel Mézy afin d’aller vers une autre forme d’agriculture, plus respectueuse de l’environnement, des sols, des animaux et aussi des consommateurs. Une montée en puissance que Xavier Aigoui a accompagné depuis quasiment le début : « C’est vrai qu’on était des pionniers par notre remise en question de l’agriculture conventionnelle. Nous nous sommes vite rendus compte que les grands groupes industriels nous mentaient sur pas mal de choses pour vendre toujours plus. De toute façon, en m’installant j’étais déjà persuadé que ce n’était pas possible que ce soit bon d’épandre sur nos terres le contenu de bidons sur lesquels figurait une tête de mort ».
L’association, outil de l’avenir
C’est tout naturellement que Xavier Aigoui s’est retrouvé voici deux ans, aux côtés de Mathieu Causse, éleveur bio d’un troupeau d’Aubrac avec son frère Paul, et de son cousin Bertrand Cayrel, éleveur lui aussi mais d’un troupeau de Limousines sur les hauteurs de la Lozère pour lancer l’Association Pour la Santé de la Terre et du Vivant : « Quand on se sent un peu seul dans une démarche on a forcément des moments de doute. Mais maintenant, il n’y aura plus de machine arrière. On sera chaque année de plus en plus nombreux, c’est une évidence. Même si je pensais que ça irait plus vite, la remise en question de cette agriculture conventionnelle va s’amplifier. Je suis aussi conscient que nous ne sommes encore qu’une goutte d’eau et je ne sais toujours pas si un jour elle fera vraiment une grosse rivière…».
Vice-président de l’Association Pour la Santé de la Terre et du Vivant, Xavier Aigoui a été agréablement surpris par l’affluence qu’ont connue les premières conférences : « J’ai été impressionné de voir autant de gens intéressés par une agriculture alternative. A cette occasion, j’ai rencontré des agriculteurs qui sont en conventionnel, qui se posent des questions et ne sont visiblement pas bien dans leur tête. Il n’y a pas beaucoup d’associations qui remplissent l’amphithéâtre de Rodez comme nous l’avons fait. Les tabous sont tombés. Aujourd’hui, chaque famille a au moins en son sein une personne atteinte d’un cancer et on ne le cache plus. Les gens se posent des questions et essaient d’en connaître les causes. Avec l’association, nous voulons aider les gens à ouvrir les yeux sur une agriculture qui peut être prospère tout en respectant un certain équilibre du milieu ambiant. La fertilité des sols est un des éléments qui fait partie de la réflexion sur le réchauffement climatique et toutes les problématiques de ce XXIe siècle. C’est une réflexion globale qu’il faut accompagner et dans ce but, l’association est un bon outil ».
Xavier Aigoui n’en démord pas, « c’est le terrain qui fait évoluer les gens et les institutions restent avant tout opportunistes », se contentant de « sucer la roue » de ceux qui font vraiment évoluer les choses.
Compagnon de route de Marcel Mézy depuis plus de trente ans, Xavier Aigoui a savouré l’invitation de son ami à la Cop 21 puis aux autres rendez-vous à Marrakech puis à Bonn : « C’est une vraie reconnaissance, une vraie revanche même. Marcel Mézy a été tellement décrié alors que lui ne demandait rien à personne et traçait simplement son sillon ».
Xavier voyage beaucoup aux quatre coins du monde et il en appelle à la solidarité du monde agricole : « Partout où je vais, j’ai quand même le sentiment qu’il y a beaucoup de multinationales qui gagnent de l’argent sur notre dos et un jour il faudra se lever contre ça. Encore faut-il que les jeunes aient envie de réfléchir à des alternatives ».
L’éleveur des Sermeillets a toujours tout fait pour que ses enfants soient fiers d’avoir des parents agriculteurs et qu’ils n’en souffrent pas. Une nouvelle aventure commence pour lui avec ce nouveau troupeau et il espère que cette dernière ligne droite lui permettra d’assurer une transmission à la hauteur de ses espérances : « Ça va maintenant être ma principale source de réflexion. Je rêve tellement de trouver ce jeune qui va avoir envie d’aller au bout de ses projets et qui sera pour moi une dernière étincelle pour finir en beauté. Oui, aujourd’hui il ne me manque plus grand chose pour aller au bout de mon rêve, pour atteindre mon but ».