Vigneron et héliciculteur, Philippe Héritier est toujours en quête d’excellence. Après ses vignes, il a adopté les Technologies Marcel Mézy pour l’élevage de ses escargots. Félicité par le Gault et Millau, encensé par le chef étoilé Jean Sulpice, son aventure ne fait que commencer…
Au fronton de la salle de réception du domaine des Orchis, à Poisy, en Haute-Savoie, une maxime du film Christophe Collomb de Ridley Scott, écrite en larges lettres donne le ton : « La vie a plus d’imagination que n’en portent nos rêves ». Philippe Héritier, le maître des lieux, prend le temps d’expliquer son parcours : « J’étais cadre dans le milieu bancaire et quand on m’a demandé de faire un stage de direction, j’ai dit stop. Je ne voulais plus de cet engrenage. Mes vieilles envies d’être agriculteur sont remontées en moi. J’avais l’envie de créer, de produire, de transformer et de commercialiser, en fait le rêve de maîtriser toute la chaîne et d’avoir enfin mon destin en main. J’aimais bien l’idée de changer complètement de métier ».
Petit, il avait couru dans les vignes aux côtés de son grand-père, à Frangy, à quelques kilomètres de là : « J’ai peu à peu pris conscience qu’il y avait là un super terroir à exprimer. C’étaient des vignes qui étaient en conventionnel. J’en ai replanté après avoir défriché des terres et aujourd’hui je produis en Bio sur cinq hectares, des vins issus de deux cépages autochtones exceptionnels : l’Altesse en vin blanc et la Mondeuse en rouge ».
« Des senteurs que je n’avais jamais eues. »
En 2007, Philippe Héritier sort sa première cuvée en blanc et commence la commercialisation en 2011, juste après avoir fait la connaissance des Technologies Marcel Mézy: « J’ai entendu parler de ce procédé en 2009 par un ami aveyronnais. Le slogan « créateur d’humus » a été un vrai déclic. « Créateur d’humus » c’est le génie microbiologique. Le génie génétique ne va rien solutionner mais je crois au génie microbiologique. J’ai ensemencé mes vignes pour la première fois en 2012 et pendant deux années de suite, j’ai fait un apport au printemps. Christophe, le fils de Marcel Mézy, est venu me voir et m’a dit de le mettre à l’automne. On fixe l’azote à l’automne pour le rendre disponible au printemps. En fait, c’est une mise en harmonie. En soleil descendant, c’est la phase de conceptualisation. C’est l’automne, je suis en train de préparer mon coup. J’organise un écosystème du sol et ensuite, la plante gère la minéralisation. Ça me parle d’un point de vue écologique ».
Philippe Héritier a vite vu des différences : « En 2013, quand on a éraflé les raisins, je suis entré dans la cave et il y avait des senteurs que je n’avais jamais eues auparavant. Et pourtant, 2010 et 2011 avaient été des millésimes qui avaient cartonné. Dans les mouilles, ces zones humides dans les vignes, il n’y a plus d’eau qui reste en surface. On voit la structure grumeleuse du sol, c’est de la semoule de couscous. Vous marchez sur une moquette très épaisse. Au niveau traitements, je suis à 1,5 kilo de cuivre à l’hectare là où j’aurai le droit à six kilos ».
Toujours à la recherche de conseils et de nouveautés, Philippe Héritier s’est rendu à Duravel, dans le Lot, pour arpenter le vignoble de Château Cantelauze, propriété de Marcel Mézy : « À Cantelauze, ses vieux millésimes sont bien, mais les jeunes, travaillés avec son procédé, sont riches, plus ronds, plus bienveillants. Lors d’une dégustation à Paris, Véronique Raisin, experte en vins reconnue, m’avait dit en me parlant de mes vins : « Vous avez un bon potentiel de garde mais vos vins récents sont plus riches qu’ils ne l’étaient avant. ».
Philippe Héritier aime échanger avec Marcel Mézy, un homme qui l’aide dans sa quête à faire rimer la vie avec les rêves, et la qualité avec l’abondance : « Je suis très admiratif de ce que Marcel Mézy a inventé. Il a été capable de pousser très loin l’observation et il a une sorte de don qui l’a fait aller encore plus loin. Marcel incarne le bon sens paysan, l’intelligence, l’ouverture. Comme Marcel, je suis convaincu que qualité des produits et récolte abondante ne sont pas antagonistes, bien au contraire. La discussion avec Marcel sur ce sujet a été pour moi quelque chose de fondateur dans mon évolution. Une partie de ma réussite est liée à ses technologies mais je ne fais pas que cela. Pour moi, ses découvertes c’est pour le côté physique, concret (les mycorhizes, les écosystèmes) et la biodynamie c’est ce qui donne à mon sol et à mes plantes la capacité à saisir les subtilités, à réceptionner les informations liées par exemple aux saisons.
Cette année dans mes vignes, je gagne en rendements et en qualité alors qu’en général on oppose les deux. Je reste sur de petits rendements qui progressent. Je suis passé à 20/25 hectolitres/hectare à 35/40 hectolitres /hectare».
Une nourriture plus équilibrée et plus riche pour ses escargots.
Si Philippe Héritier veille avec amour sur ses vignes, il est une autre activité qui lui tient beaucoup à cœur. Ces dernières années, il a en effet développé de façon importante l’élevage d’escargots de son père, passant de 40 000 à 300 000 escargots à l’année. Des Helix Aspersa Maxima, communément appelés « gros gris », qui sont élevés et cuisinés sur place. Dans ce domaine aussi, les technologies Marcel Mézy ont participé à l’aventure : « Je bénéficie bien sûr du savoir-faire de mon père mais en lisant un journal de la Sobac, une évidence m’a sauté aux yeux. Dans un témoignage, un éleveur de chevaux parlait de la qualité de l’herbe et de ses bienfaits pour ses pur-sang. Je me suis dit qu’il fallait que je fasse la même chose pour mes escargots, pour que l’herbe soit plus nutritive. En 2013, j’ai appliqué les technologies Marcel Mézy aux 1000 mètres carrés de mes parcs à escargots. De 2013 à 2015, la qualité de l’herbe s’est sensiblement améliorée au travers des crucifères – choux fourragers et moutarde – du plantain, du lin, des graminées et un peu de ray grass qui permet de garder la fraîcheur. Nous avons augmenté la quantité d’escargots produite et nous avons diminué l’aliment spécifique pour escargots (blé, calcium, tourteau de colza). L’indice de consommation, c’est à dire le coût en aliments est passé de 1,6 à 1,1 ».
Un de ses clients les plus renommés, est le chef Jean Sulpice, deux étoiles au Michelin à Val Thorens, et qui est maintenant aux fourneaux de l’Auberge du Père Bise à Talloires. Un jour, à l’automne 2013 justement, le chef étoilé, l’interroge :
« Qu’as-tu fait à tes escargots ? ». Inquiet, Philippe Héritier accueille la fin de la phrase avec soulagement : « Ils sont encore meilleurs. Ça a gagné en goût, en texture, en structure. C’est bon, c’est tout ». Il aime cette histoire, récompense de son travail incessant pour améliorer ses productions : « Il n’était pas du tout au courant des changements que j’avais effectués au niveau de l’herbe proposée et ça m’a conforté dans l’idée qu’aujourd’hui mes escargots bénéficient d’une nourriture plus équilibrée et plus riche ».
Le chef Jean Sulpice n’est d’ailleurs pas avare de compliments au sujet de Philippe Héritier. Sur son site, après avoir dit « Merci à Philippe Héritier pour ses escargots si charnus et si goûteux », il en vient à sa production viticole : « Les vins de Philippe ont une très belle finesse d’acidité, une incroyable fraîcheur et une formidable longueur en bouche. Avec de petits rendements, l’accent est mis sur la vie du sol avec la volonté de laisser l’herbe sur place pour faire de l’humus. L’idée est de nourrir le sol pour nourrir la plante ».
Un bel hommage à Philippe Héritier et par ricochet, aux Technologies Marcel Mézy.
Philippe Héritier croit à l’association.
Philippe Héritier est fier de parler de sa fille qu’il sent prendre son sillage : « Ma fille est rentrée à Purpan et veut être ingénieure agronome. Elle a compris l’incidence qu’avait l’agriculture sur la santé et sur la société toute entière ».
Il s’est aussi très vite rapproché de l’Association pour la Santé de la Terre et du Vivant lorsqu’elle s’est créée : « C’est un lien très important cette association. J’assiste à beaucoup de réunions parce que ça me parle, parce que je veux comprendre encore plus et transmettre. Entre les Technologies Marcel Mézy et l’association, ça permet de voir l’agriculture sous un angle complètement différent. Pour mes escargots par exemple, j’utilise beaucoup d’ail et par le biais de l’asso, j’ai espoir de trouver un producteur d’ail qui travaille comme moi. J’emmène des jeunes avec moi aux réunions afin qu’ils mesurent la justesse des propos et qu’ils s’ouvrent à autre chose. Ils comprennent que ce procédé, c’est une solution clé en main pour aller plus loin».
Philippe Héritier, voit d’ailleurs plus loin et place de vrais espoirs dans le développement de l’association : « Le but de l’association doit être de faire comprendre aux gens que nourrir l’humanité demain sera plus une question de qualité que de quantité. Combien de pommes Golden d’aujourd’hui faut-il pour apporter les vitamines qu’une seule pomme apportait en 1950? Plus le sol est riche, plus la plante est riche et moins on a besoin de grosse quantité à manger. Le seuil de satiété est atteint beaucoup plus vite. C’est important que l’association intéresse des scientifiques comme le nutritionniste montpelliérain Laurent Chevalier ».
Philippe Héritier s’est construit, pierre après pierre, une nouvelle vie sur ce balcon qui domine le lac d’Annecy, heureux et fier de donner raison à Ridley Scott et Christophe Collomb : « La vie a plus d’imagination que n’en portent nos rêves ».
Patrick Le Roux